Pas les mots

Mis à jour le 02/11/2021 | Publié le 31/08/2020 | Lieux d'histoire, Europe

À 60 km à l’ouest de Cracovie se trouve l’un des lieux les plus sombres de l’Histoire. Dans le complexe d’Auschwitz ont péri, selon les estimations officielles, entre 1 100 000 et 1 500 000 hommes, femmes et enfants, entre 1940 et 1945. Difficile de trouver les mots pour décrire cette visite éprouvante, cette plongée de 3h30 dans l’horreur et la barbarie des camps.

Pas les mots, donc, pour raconter ce qui est inracontable. L’histoire d’Auschwitz, nous la connaissons tous. Nous l’avons apprise à l’école, nous avons visité des musées, nous avons lu des livres qui en parlaient. Pourtant, il existe une différence très grande entre savoir et voir.

Le visiteur à Auschwitz est submergé par tout un chapelet d’émotions. La tristesse, profonde, devant les centaines de portraits des détenus, femmes et hommes, le teint livide et le crâne rasé, photographiés afin de servir de gigantesque base de données aux nazis, qui y inscrivaient leurs dates d’arrivée et de mort au sein du camp.

L’effroi, dans la salle où sont exposées, entassées, deux tonnes de cheveux des détenues, sur les sept tonnes qui avaient été retrouvées par l’Armée Rouge lors de la libération du camp.

La colère, devant l’amoncellement des petites chaussures des enfants déportés et exécutés à Auschwitz, dont on sait aujourd’hui que leur nombre dépassait les 200 000 !

La rage, lorsqu’on apprend ensuite que le docteur Mengele, pourtant reconnu coupable de crimes de guerre après avoir torturé et dirigé des « expérimentations médicales » barbares sur des centaines de détenus (notamment des enfants jumeaux, car il espérait trouver une méthode scientifique pour favoriser la fécondité des femmes allemandes), a vécu libre et heureux en Amérique latine jusqu’à sa mort en 1979, sans jamais avoir payé pour ses crimes.

Libéré par erreur peu de temps après la fin de la guerre, il bénéficia ensuite de l’aide d’un réseau d’anciens SS et parvint à rejoindre sans encombre l’Amérique latine.

Auschwitz est une visite nécessairement déplaisante, l’une de celles qui marquent à tout jamais le visiteur, qui doit s’armer de courage pour choisir de quitter la belle et douce Cracovie et plonger dans ce que notre histoire a de plus terrifiant.

En visitant Auschwitz, on ne sait pas bien pourquoi, mais on se sent coupable. On a honte. On n’existait pas pourtant, lorsque tous ces crimes ont été commis. Mais c’est en réalité pour l’Humanité tout entière que l’on ressent de la culpabilité : pour ceux qui ont commis ces crimes, pour ceux qui savaient et qui ont laissé faire, pour ceux qui n’ont pas eu le courage de voir.

Pour triompher, le mal n’a besoin que de l’inaction des gens de bien », dit-on.

Cette maxime m’a hantée pendant toute la visite.

Y avait-il beaucoup de gens de bien inactifs ? Ou bien n’y avait-il que très peu de gens de bien ?

C’est ça, certainement, qui est le plus terrifiant dans la visite d’Auschwitz : les nombreuses questions qu’elle suscite.

Déroulé de la visite des camps

d’Auschwitz I et Auschwitz II-Birkenau

Auschwitz Camp I
Effets personnels des détenus à Auschwitz
Camp d'extermination d'Auschwitz

Le visiteur peut choisir d’effectuer la visite seul (seulement à certaines heures de la journée), ou bien accompagné d’un guide (les visites sont possibles dans de nombreuses langues). Dans ce cas, la visite des deux parties du camp dure approximativement 3h30 et se fait en groupe (les réservations se font via ce lien).

La visite guidée débute par le camp d’Auschwitz I, construit en 1940 pour servir dans un premier temps de camp de concentration, où les prisonniers étaient « utilisés » pour divers travaux et décédaient généralement d’épuisement, de maladie ou de malnutrition, en raison des conditions inhumaines dans lesquelles ils étaient volontairement maintenus.

Dès les premiers mois de 1942, il fut utilisé comme camp d’extermination par les SS et devint rapidement le plus grand d’entre eux. D’après les estimations officielles, sur les 1 100 000 à 1 500 000 personnes à avoir péri à Auschwitz (le nombre exact étant impossible à déterminer), 900 000 ont été immédiatement exécutées dans les chambres à gaz dès leur arrivée au camp.

Auschwitz I a été transformé en musée, dans lequel sont aujourd’hui exposés les effets personnels des détenu(e)s.

De nombreuses explications sont données sur la déportation, la vie des détenu(e)s au sein du camp, les humiliations quotidiennes qu’ils subissaient, ainsi que les expérimentations « médicales » dont ils étaient victimes.

L’itinéraire de la visite du premier camp s’achève par celle des chambres à gaz et des fours crématoires, situés à quelques dizaines de mètres à peine des résidences des hauts dignitaires SS, qui vivaient là avec femmes et enfants.

Pour des raisons assez évidentes, la visite est fortement déconseillée aux enfants de moins de 14 ans.

Auschwitz II Birkenau
Auschwitz-Birkenau : bâtiment des détenues

La visite se poursuit par celle, non moins éprouvante, du camp II de Birkenau. Celui-ci, le plus étendu, a été inauguré en mars 1942 pour servir de camp d’extermination. Près de 90% des victimes d’Auschwtiz seraient mortes à Birkenau.

La photo ci-contre montre les baraquements dans lesquels vivaient les détenu(e)s. Ici, tout était fait pour humilier, faire souffrir, avant d’assassiner. Même les besoins primaires des prisonniers leur étaient refusés (ration journalière inférieure à 1000 calories pour les affamer, interdiction de se rendre aux toilettes, impossibilité de se laver…).

Comble de l’horreur, les cendres des détenus exécutés ici étaient ensuite utilisées dans la fabrication de fertilisants pour l’agriculture. Leurs cheveux étaient vendus pour servir à la confection de tapis et de tissus.

Chemin de fer Auschwitz-Birkenau

Une évasion spectaculaire

Nous ressortons d’Auschwitz en colère, le moral bien bas et l’estomac noué, avec une envie furieuse de creuser quelques histoires d’évasion de cet endroit terrible, rapidement évoquées par notre guide au cours de la visite.

C’est ainsi que sur le chemin du retour vers Cracovie, nous lisons l’histoire passionnante de Kazimierz Piechowski, le prisonnier n° 918, déporté en 1940 avec le premier transport de prisonniers politiques polonais.

Après avoir réussi à dérober à des SS des uniformes, des armes, ainsi qu’une voiture Steyr 220, utilisée par Rudolf Höss, le commandant du camp lui-même, il parvint, avec trois autres détenus, à s’échapper d’Auschwitz ! Piechowski avait ensuite rejoint l’Armée de l’Intérieur (AK, la résistance polonaise). Il est mort en 2017 à l’âge de 98 ans.

Une évasion spectaculaire, extrêmement risquée : sur les 802 tentatives d’évasion répertoriées pendant la guerre, seuls 144 détenus parvinrent à s’échapper du camp.

Quartier Kazimierz à Cracovie

Suggestions de visites à faire au préalable

Si vous avez la chance de parcourir l’Allemagne ou bien le reste de la Pologne avant de vous rendre à Auschwitz, n’hésitez pas à découvrir les endroits suivants, qui constituent d’excellents préambules à la visite des camps :

  • L’exposition permanente Topographie des Terrors à Berlin
  • Le musée de l’Insurrection de Varsovie
  • Le quartier juif de Cracovie (Kazimierz – photo ci-dessus).

De nombreuses informations sont également disponibles sur le site internet d’Auschwitz-Birkenau.

 

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